- ZEAMI
- ZEAMIAuteur, acteur, compositeur, Zeami est le premier en date des grands dramaturges japonais. Il donna au n 拏 , dans les premières décennies du XVe siècle, l’aspect qu’il a conservé à peu de choses près jusqu’à nos jours. On lui attribue près de la moitié du répertoire actuel de cette forme de théâtre; mais plus important encore est l’ensemble des traités, longtemps gardés secrets, qu’il avait rédigés à l’intention de ses descendants, et qui constituent l’une des réflexions les plus originales et les plus profondes qui se soient jamais attachées aux arts du spectacle, singulièrement au réseau d’interactions qui se crée entre les trois participants du drame: l’auteur, l’acteur, le spectateur.Points de repèreEn 1374, Yoshimitsu, troisième sh 拏gun de la dynastie des Ashikaga, distinguait, lors d’un spectacle de sarugaku donné en son honneur au temple d’Imagumano, le chef de la troupe, Y zaki Sabur 拏 Kiyotsugu; il le fit aussitôt venir à sa cour avec son fils Fujiwaka, alors âgé de onze ans. Ces deux personnages seront les créateurs de la plus ancienne forme d’art dramatique japonais, le n 拏 , et deviendront, sous les noms de Kan.ami et de Zeami, les fondateurs de l’illustre lignée des Kanze, la plus importante des cinq «familles» d’acteurs.De la vie de ces deux maîtres, on sait assez peu de choses, hormis ce que Zeami en rapporte dans ses Traités : que Kan.ami mourut en 1384 à l’âge de cinquante et un ans au cours d’une tournée en province, que lui-même venait alors d’avoir vingt ans quand il succéda à son père sous le nom de Y zaki Sabur 拏 Motokiyo, que son propre fils Motomasa, «artiste qui n’eut d’égal en aucun moment», disparut prématurément en 1432, à quarante ans, à l’heure où il avait atteint «le degré de parfaite maturité», enfin qu’à soixante-dix ans passés, en 1434, lui-même fut exilé dans l’île lointaine de Sado, à la suite sans doute des intrigues de son neveu On.ami auprès du sh 拏gun Yoshinori, fils cadet de Yoshimitsu; il chanta son séjour à Sado dans le Livre de l’île d’or (Kint 拏 sho ), daté de 1436; revenu à la capitale, probablement en 1441, après l’assassinat du despote, il y mourut en 1443 (ou 1444?) à quatre-vingts ans passés.L’œuvre poétique de ZeamiPlus d’une centaine de y 拏kyoku (livrets de n 拏 ) sont attribués avec plus ou moins de certitude à Zeami, sur un répertoire de deux cent quarante pièces; avec celles dont le texte ou le titre seul sont conservés, on arrive à un nombre d’environ deux cents. Il est probable d’autre part que les pièces attribuées à Kan.ami ou à d’autres auteurs antérieurs ont été conservées dans des versions remaniées par lui. C’est dire que la moitié du répertoire, et la meilleure, porte sa marque; on a en particulier de fortes raisons de penser, d’après certaines remarques des Traités , que c’est à lui que revient l’idée de «distancier» le personnage principal (shite ) en le faisant apparaître comme un spectre qui se montre aux yeux d’un moine pour revivre devant lui les gestes que lui dicta de son vivant une passion, cette dernière se trouvant ainsi abstraite en quelque sorte des éléments contingents de l’action dramatique. Ce procédé, qui fait d’un n 拏 une sorte de psychanalyse du shite , témoigne d’une profondeur dans la pénétration psychologique surprenante pour l’époque.Les traitésOn retrouve cette pénétration dans l’ensemble des écrits qui constituent la «tradition secrète» (hiden ) du n 拏 . Zeami avait commencé à rédiger, à partir de l’an 1400, les préceptes que lui avait, nous dit-il, légués son père, préceptes auxquels se mêlent, de plus en plus nombreuses, les réflexions que lui inspirait sa propre expérience. Ces notes, dont la rédaction s’étend sur une quarantaine d’années, étaient destinées à rester confidentielles: elles ne devaient «être transmises qu’à un seul homme par génération». Malgré quelques indiscrétions (une copie partielle remise au sh 拏gun Tokugawa Ieyasu vers l’an 1600, un faux publié en 1665 qui en contenait des passages plus ou moins altérés), le secret fut gardé jusqu’en 1909, date à laquelle le philologue Yoshida T 拏go publia, sous le titre de Zeami j rokubu sh (Recueil de seize opuscules de Zeami ), un ensemble de manuscrits que l’on venait de découvrir dans la bibliothèque d’une famille de daimy 拏 . L’authenticité de la plupart de ces textes devait être définitivement établie par la découverte de nouveaux manuscrits contemporains de l’auteur, parmi lesquels deux lettres au moins de sa main, si bien que le nombre des traités retrouvés s’élève à vingt-trois. Nous avons, pour notre part, procuré une traduction française de six d’entre eux, qui forment un ensemble cohérent et qui représentent environ la moitié du total; ce sont: le livre De la transmission de la fleur de l’interprétation (F shi kaden ), le Miroir de la fleur (Kaky 拏 ), le Livre de la voie qui mène à la fleur (Shikad 拏 sho ), l’Étude illustrée des deux éléments et des trois types (Nikyoku santai ezu ), le Livre de l’étude et de l’effet visuel des divertissements musicaux (Y gaku sh d 拏 kemp sho ) et l’Échelle des neuf degrés (Ky i shidai ). Deux autres offrent un intérêt considérable, par les lumières qu’ils apportent sur des points particuliers: le Livre de la composition du n 拏 (N 拏saku sho ) et les Entretiens sur le sarugaku avec Maître Ze[ami] après sa soixantième année (Ze-shi rokuj igo sarugaku dangi ), recueillis par Motoyoshi, second fils de Zeami, en 1430. Tous les autres, à l’exception du Livre de l’île d’or , déjà cité, et de la Trace d’un songe sur un feuillet (Museki isshi ), méditation sur la mort de Motomasa, sont des traités techniques, qui portent sur des problèmes musicaux; certains d’entre eux, dont le caractère systématique et doctrinal, le style obscur et confus, à résonances mystiques, contrastent avec la précision et le pragmatisme des grands traités, devraient plutôt être attribués à l’un des successeurs de Zeami, peut-être à son gendre Komparu Zenchiku dont on possède des écrits de même style.Pour l’analyse des Traités , nous nous permettons de renvoyer à notre ouvrage La Tradition secrète du n 拏 (cf. Bibliographie ). Une notion clé apparaît pour la première fois au livre V du F shi kaden (daté de 1402) et prend, à partir de là, une importance capitale dans le raisonnement: il s’agit de la règle de la concordance (s 拏拏 ), qui doit nécessairement s’établir entre l’auteur et son époque, entre l’auteur et l’acteur, entre l’acteur et le spectateur, pour que le spectacle «passe la rampe». L’idéal serait, pour Zeami, que l’acteur composât lui-même les pièces qu’il doit interpréter; il pourrait de la sorte, sans trahir l’auteur, adapter instantanément son jeu à l’humeur du public, du public de telle salle, à tel jour et à telle heure, et non point d’un public idéal et intemporel: c’est là, dit-il, un «procédé éprouvé», éprouvé par lui-même à coup sûr, lorsqu’il s’était aperçu à ses dépens qu’il ne lui suffisait pas de reprendre les pièces à succès de son père, en suivant fidèlement son interprétation. L’expérience personnelle vient en effet à chaque instant confirmer ou infirmer la pensée théorique, qui tend ainsi à serrer au plus près la réalité vivante d’un art n’ayant d’autre justification que le service d’un public, qui seul assure le succès par son jugement sans appel.Car ce n’est pas le moindre mérite de Zeami que son respect du public, fût-il composé de rustres: un acteur qui s’excuserait d’un échec devant une pareille assistance en en rejetant la faute sur l’«esprit obtus» des spectateurs trahirait par là même sa propre médiocrité, fût-il adulé par les beaux esprits de la cour.Zeami(nom de scène de Yûsaki Saburô Motokiyo) (1363 - 1443), acteur, auteur et metteur en scène de nô japonais. Auteur des plus célèbres nô, il a codifié les règles de ce genre dramatique, dont il peut être considéré comme le fondateur. Son père, Kanami (Yûsaki Saburô Kiyotsugu) (1333 - 1384), fut son maître et précurseur.
Encyclopédie Universelle. 2012.